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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

jeudi 13 mars 2008

Le Meurice, quel délice...

Il y a des jours, ou des soirs, où les choses ne se déroulent pas tout à fait comme on l’avait prévu, où le flot des évènements nous entraine à notre insu. Quelquefois, on résiste. Quelquefois, la promenade est si belle qu’on se laisse dériver au fil du courant…

Nicolas Rebut, chef sommelier du Meurice, avait une idée en tête : organiser des dégustations apéritives. Prenant prétexte la réouverture de l’espace restauration de l’hôtel, suite aux travaux menés par Starck, la première de ces dégustations a eu lieu ce jeudi au 228, le bar de l’hôtel.
Le principe est simple : (faire) découvrir en une heure quatre à six vins d’une même région, chacun accompagné de bouchées spécialement préparées par Yannick Alléno.

Au programme : le champagne.

Le vin : Laurent Perrier Ultra Brut (55% chardonnay, 45% pinot noir, dégorgé au deuxième trimestre 2006).
La robe est jaune pâle. Un premier nez grillé, frais, légèrement agrumes, plus minéral à l’aération. Une attaque vive, une bouche fraiche avec un équilibre sur la matière et l’acidité (acidité saline). Bien +.
Le met : une gelée de choux rouge surmontée de moule, coquille Saint-Jacques, coque et langue d’oursin. Le met très iodé est adouci par la gelée, à la texture de laquelle répond le mordant/croquant des coquillages Très bien.
L’accord : l’accord est d’une grande persistance sur le coté iodé/salin et très minéral. Très bien.


Le vin : Veuve Cliquot Ponsardin Vintage 1995 (dominante pinot noir, avec chardonnay et pinot meunier).
La robe est or. Un premier nez discret de caramel/dragée, qui gagne en profondeur à l’aération (crème pâtissière). La bouche est riche, encore bien effervescente, équilibrée sur l’acidité et la sensation tannique. L’acidité domine en finale avec des arômes fin s de fruits jaunes. Bien +.
Le met : Foie gras assaisonné de poivre de Malabar pané au riz sauvage. La bouchée est à la fois onctueuse (foie) et croquante (riz), on en a plein la bouche et on a peine à avaler tellement c’est bon… Très bien.
L’accord : c’est un accord de matière, tout en souplesse qui s’installe, le vin sublimant le plat et prolongeant le plaisir gustatif. Très bien.


Le vin : De Sousa Brut Tradition (50% chardonnay, 40% pinot noir, 10% pinot meunier).
La robe est or. Le nez est coumarine/fève tonka. La bouche présente une très belle matière en rondeur et beaucoup de richesse, sur des fruits jaunes. Le tout est très élégant. Très bien.
Le met : Millefeuille de Saint-Jacques aux herbes fraiches. Souplesse de la noix de Saint-Jacques, fraicheur des herbes… Très bien.
L’accord : avec sa fraicheur, le met réveille le vin pour conclure une alliance souple en texture et vive en arômes, d’une grande persistance. Très bien.


Le vin : Jacques Selosse « Substance » (100% chardonnay, élevé en solera).
Très effervescent. La robe est ambrée, légèrement trouble. Un nez de toffee qui évolue après quelques minutes sur le tabac et la vanille de Tahiti. Le vin se présente en bouche comme certains xérès : sec et tout en rondeur, très fin et très aromatique. Très belle longueur. Très bien.
Le met : Tastou de pain Poilane aux truffes noires. Pain, beurre salé et lamelles de truffes… Très bien.
L’accord : les notes oxydatives du vin répondent à l’arôme puissant de la truffe, le croquant du pain équilibre la rondeur du vin. C’est un très bel accord d’équilibre entre deux poids lourds. Très bien.


Le vin : Alfred Gratien Cuvée Paradis Brut Rosé (dominante de chardonnay).
La robe est framboise claire. Le nez est discret (citronné). La bouche est très présente, vive, bien aromatique (fruits rouges/framboise). Bien +.
Le met : Veau de Corrèze aux tomates confites relevé de confiture de piment d’Espelette. La tomate explose en bouche, relevée par le piment, le tout étant porté par la structure du veau cuit rosé. Très bien.
L’accord : accord de couleurs en premier lieu. Avec le vin, la tomate prend encore plus de relief, le veau apportant une touche de fond viandée. Très bien.


Sur ce, mis en appétit, nous nous interrogeons. Rentreront, rentreront pas… Puis, d’un air de défi teinté d’un sourire narquois, ma moitié, que dis-je, ma perle, ma gemme, ma rivière de diamants !! me lance « et si tu allais voir s’il reste une table ? ». N une ni deux, je relève le défi. Heureux hasard ou caprice du destin, c’est avec un sourire encore plus narquois que le sien que je reviens lui annoncer que ladite table nous attend.

Mis en appétit mais pas affamés pour autant, nous optons pour la formule light : plat et dessert. Pour les plats nous optons pour un « Blanc de bar à la vapeur de feuille de cerisier, mousseline de petits pois relevée au wasabi, champignons et fruits relevés au vinaigre » et un « Homard bleu cuit sous le grill et arrosé de beurre fondu au gingembre, pointes d’asperges au jus de carcasses aux algues et yuzu, les pinces à la mayonnaise de corail ».

Nicolas Rebut, qui nous avait laissés au bar, nous retrouve avec un grand sourire et, pour nous faire patienter et faire plaisir aux amateurs que nous sommes, nous offre gentiment un verre de Vouvray sec « Le Mont » 2004 du Domaine Huet. Le nez est discret, peu typé chenin. En revanche, en bouche, c’est un vrai chenin sec, vif, droit, très net, avec une finale miellée. Très bien.
Arrive le moment redouté des sommeliers : la lecture intégrale et exhaustive de la carte des vins. Palace oblige, les prix sont élevés. Aussi, et surtout à cause de la quantité de vin déjà ingérée, nous nous contentons de choisir un vin au verre.
Pour ma moitié, que dis-je, ma crème brulée, mon millefeuille vanille, mon tiramisu !! le Corton-Charlemagne 2001 de Bonneau du Martray : un nez beurré qui ne déviera pas d’un pouce tout le long du repas, une bouche qui n’est pas exubérante mais qui s’apparente à une Rolls-Royce : un grand confort qui vous emporte loin, loin, loin... En bon français, une matière ample et une très grande longueur qui n’en finit pas. Magnifique.
Je me « contente » d’un Riesling Schlossberg 2004 de Paul Blanck : un nez épicé, une bouche en rondeur avec une pointe de sucre résiduel, bien équilibrée. Très bien.

Les plats arrivent, avec leur petit cérémonial de mise en place car le bar est emmailloté dans les feuilles de cerisier marinées au vinaigre de griottes. Une fois de plus, Yannick Alléno nous bluffe avec des accords de saveurs insoupçonnés. Le bar a capté le parfum des feuilles de cerisier marinées, le wasabi et les petits pois s’accordent à merveille et les petits champignons japonais au vinaigre réveillent le tout. Le homard est grand, les asperges somptueuses et je regrette que le crustacé n’ait pas quatre pinces pour profiter encore plus longtemps de la mayonnaise au corail.

Petit break avant les desserts. Ayant fait l’impasse sur le plateau de fromages (sympathique au demeurant), nous nous laissons tenter par la proposition du maitre d’hôtel : un cœur de laitue pour ma romaine et une variation poire/beaufort pour moi. Une fois encore, les intitulés sont trompeurs. La laitue arrive reconstituée, les feuilles détachées ayant reçu un coup de pinceau de vinaigrette avant d’être « remontées ». Dans mon assiette, des bâtonnets de poire fondante sont recouverts de deux toasts d’une épaisseur papier-à-cigarettesque constitués de pain Poilane, de beaufort et de poivre passés sous le grill. Fraicheur, saveur et légèreté. Que demander de plus avant de passer aux desserts… ? Les pré-desserts bien sur !!!

On ne les attend pas. On les redoute parfois. Mais là… comment passer à coté du travail, que dis-je, de l’art de Camille Lesecq, le chef pâtissier.
Arrivent, dans une même assiette, une sucette de guimauve à la mandarine (Raaaahhh… j’adore la mandarine), un petit macaron citron à la mousse de citron vert, un petit dôme framboise/litchi et un chocolat à la menthe. Je manque de vocabulaire (oui, oui…) pour exprimer toutes les sensations gustatives procurées par chacune de ces mignardises.

Enfin, les desserts proprement dits. Mais que Camille a-t-il fumé le jour où il a imaginé ces OGNI (Objets Gourmands Néanmoins Improbables) ?? Jugez plutôt : « Gelée de concombre aux perles de citron et à la fleur de bourrache dans une coque de chocolat blanc » et « Blancs battus au cœur de mangue coulant, marbré de mahon au pruneau moelleux relevé au gingembre ». Tentons l’explication…
Dans l’assiette de ma compagne en sucre d’orge, trois sculptures composés chacune de deux hémisphères en chocolat blanc, séparés par une très fine rondelle de concombre et renfermant la gelée de concombre et les perles de citron. Imaginez le croquant du chocolat, la fraicheur du concombre, l’explosion des billes de citron et la vivacité du jus ainsi libéré. Extra-terrestre…
Pour ma part, un cube blanc repose sur une feuille arachnéenne de mahon (fromage de vache espagnol) à la figue, entouré par des perles de sirop au gingembre. De la chose, une fois ouverte à la cuillère, s’écoule un jus à la mangue tel le jaune d’un œuf mollet. De l’art vous dis-je…

Comme si le plaisir de l’instant n’était pas suffisant, des petites attentions nous ont encore plus touchés. Voyant passer les bouteilles des vins au verre accompagnant le menu dégustation de la table voisine et m’attardant sur les étiquettes, je me vois proposé par les sommeliers de gouter les dits vins. En l’occurrence deux :
- le Cote-Rôtie « Les Jumelles » 2004 de Jaboulet,
- et le Banyuls « Galatéo » 2004 du Domaine de la Coume Del Mas.
Le premier, bien que bien typé syrah, manque de relief. En revanche, le second est superbe de puissance et de fruit.

Je demande l’addition. Sur ce, l’accorte soubrette à qui j’avais demandé de complimenter Camille revient avec une petite boite. Un peu soupçonneux, je l’ouvre et découvre quatre sucettes de guimauve à la mandarine (vous ai-je déjà dit à quel point j’aime la mandarine ?), cadeau de la maison au gourmand impénitent…

Nous quittons finalement ce délicieux lieu de débauche, heureux, grisés et gagnés par une torpeur ensommeillée, pour profiter d’une nuit courte mais méritée dans nos pénates.

François

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