Bienvenue

Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

mardi 24 novembre 2009

Ze Kitchen Galerie


Depuis le temps que nous en entendions parler et que nous parlions d’y aller, c’est maintenant chose faite ! Nous avons rendu une visite à Ze Kitchen Galerie de William Ledeuil, qui vient justement d’obtenir le titre de « cuisinier de l’année » dans l’édition 2010 du guide Gault Millau.

A un jet de pierre des quais de Seine, dans la très calme rue des Grands Augustins, le lieu fait plus penser à un atelier aux vitres opaques qu’à un lieu de plaisir gustatif. A l’intérieur, une salle sobre aux murs décorés de tableaux contemporains (qui me font penser un peu à la déco de Guy Savoy). Au fond, la seule ouverture est une fenêtre qui permet de découvrir le passe et une partie de la cuisine.

La lecture de la carte confirme les quelques informations que nous avions déjà, à savoir qu’elle est fortement teintée de saveurs asiatiques. Pour couper court à l’indécision, nous partons à la découverte du menu dégustation, justement intitulé « Découverte », qui regroupe les différentes composantes de la carte : poissons marinés, bouillons, pâtes et plats « à la plancha ».

Nous commençons donc avec Saint Jacques, Huîtres, Oursins, jus tarama–citronnelle. Ils sont respectivement à peine cuite, très charnues et iodés à souhait. Le jus est de plus relevé au gingembre.

Suit le Bouillon de potiron, Ris de veau et Champignons, écume datte et sésame. Je ne suis pas très potiron mais j’apprécie les saveurs automnales du plat et le contraste terre/sucre. Le ris est ferme et le bouillon relevé.

Macaroni farci de potiron (c’est de saison), émulsion parmesan, condiment abricot. Le macaroni est al dente, on ne sent pas la texture du potiron mais le goût est là. Le bouillon est bien corsé en parmesan.

Avec ces entrées, nous dégustons un verre de Cotes du Rhône blanc 2007 du Domaine de la Janasse. Un nez fin d’agrumes, une bouche vive avec des amers fins, un équilibre acide/gras et une belle longueur. L’accord est particulièrement réussi avec l’émulsion au parmesan.

Ma Comtesse, qui n’est pas à une expérience près, réclame le vin suivant en prévision des plats à venir. Il s’agit d’un Gevrey-Chambertin 2006 du Domaine Trapet. Un nez de fruits noirs, s’épanouissant sur des notes giboyeuses et de rognons, très gevrey. Et comme pas mal de gevreys, la bouche est très cistercienne, toute en acidité avec une amertume marquée. Très belle longueur avec des notes beurrées.

C’est plaisant mais le plat suivant ne s’accorde pas franchement avec le vin : Saint Jacques et Couteaux à la plancha, purée de céleri, condiment persil-wasabi.
Le plat joue très clairement sur le contraste entre le crunchy des couteaux et le moelleux des Saint Jacques. Mais la surprise n’est pas là. Le mélange persil-wasabi est très bien équilibré et il permet de très beaux accords Saint-Jacques-wasabi et couteau-persil. C’est pour moi le plat de la soirée.

Mais nous n’avons pas encore terminé. Arrive le Cochon de lait confit et à la plancha, condiment raifort-piment. La noix de cote est saisie et le travers confit. Ce dernier est magnifique et la pointe de raifort me fait irréstiblement penser à la choucroute.Une de mes madeleines sans doute…

Déjà les desserts… Soupe glacée de châtaignes, poire, confiture de dattes, crostini de pain d’épices. Un excellent souvenir, malgré ma faible attirance pour la châtaigne, car le sucre est très bien dosé.

Et nous terminons avec la Glace Chocolat blanc-Wasabi, sauce pistache, émulsion thé vert. Visuellement, c’est très épuré. Gustativement, c’est un alien, un peu déroutant mais intéressant. C’est la pistache qui remet tout ce petit monde sur les rails pour une impression finale assez neutre et qui laisse la bouche fraîche.

En résumé, c’est de la belle ouvrage, avec des goûts puissants et relevés. Une expérience gustative intéressante mais qui, malgré les mélanges bien étudiés, manque un peu de « ludiquitude » à mon goût. Une seconde impression ne serait pas de trop...


François

samedi 21 novembre 2009

Cot cot cocottes !


Samedi midi, en plein Paris, en route pour cueillir quelques pavés (de chocolat) chez Michel Chaudun.
Rue Saint Dominique, le choix est vaste… Même en restreignant aux adresses de Christian Constant, il en reste encore trois.
Plouf, plouf, ce-se-ra-là-que-nous-i-rons-nous-res-tau-rer !
Là, ce sont les Cocottes de Christian Constant. Une salle tout en longueur, bordée d’un comptoir et de tables et tabourets haut perchés.

Le concept est simple : tout est servi en cocottes (Staub) ou presque puisque ma Comtesse entame avec une verrine d’émietté de thon et caviar d’aubergine. C’est joli et très goutu.

Je l’accompagne avec des ravioles de langoustines posées sur une mousseline d’artichaut. Waow ! Pardonnez-moi ce commentaire très lapidaire mais qui exprime bien mon ressenti.

Je poursuis avec la cocotte de saison : palombe, champignons et purée.

Ma Comtesse, carnivore s’il en est, préfère le contre-filet de bœuf à la plancha, mesclun et pommes grenaille. Tout cela est bien bon et présage d’un retour prochain dans ces lieux.

Seul inconvénient, il n’est pas possible de réserver. Alors prenez votre mal en patience ou préférez les horaires décalés.

François

jeudi 12 novembre 2009

Grands accords au Meurice


Après les nombreux apéritifs œnologiques vécus au Bar 228 (et relatés au fil du blog), nous étions plus qu'impatients de terminer l'année en beauté, en passant du Dali au Meurice, le restaurant gastronomique du palace éponyme.

Rendez-vous pris, nous nous présentons pour le diner à l'entrée du restaurant où nous sommes pris en main par l'accueillante équipe de salle. J'ai toujours l'impression d'être comme au spectacle dans cette salle splendide. Les tables extérieures sont orientées de telle façon qu'elles permettent aux convives d'observer le centre de la salle et le ballet qui s'y déroule.
Mais déjà nous nous plongeons dans la carte et là... c'est un quadrilogue (un dialogue à quatre, NDLR) qui s'instaure entre nous, le maitre d'hôtel et Nicolas Rebut, le chef sommelier, le tout étant de décider quels plats pour quels vins et réciproquement. Après un bon moment (qui parut certainement plus long aux cuisines qu'à nous), nous nous décidons à composer notre propre menu dégustation: deux demi-entrées, un poisson, une viande et un dessert. Commençons donc par le commencement...

Huitres Belon 00000 de chez Cadoret pimentées au chorizo, consommé pris de bœuf et melba au lard.
Le mélange huitre/bœuf ne nous est pas inconnu. Pas de surprise donc. En revanche, l'apport du chorizo est étonnant car il renverse les sensations. La chair de l'huitre devient viande et le consommé en gelée devient eau de mer en fondant, le tout dans un mélange de saveurs iodées et pimentées. Le lard de Colonnata, fine tranche translucide sur le toast melba, apporte croquant et moelleux.

Foie de canard iodé en pain de sucre, chutney de navets aux algues vinaigrées.
C'est un parallélépipède et non un pain qui arrive ensuite. Sous cette croute de sucre, le lobe de foie gras est protégé par une couche d'algue nori. Frustration immédiate, il repart en cuisine pour être escalopé et servi sur la chutney. Quand nous goutons enfin, quelle surprise ! La texture est là, moelleuse, mais les saveurs nous confondent à nouveau. A l'aveugle, qui penserait à du canard ? Grâce au nori, les saveurs iodées me font penser à celle du foie de lotte. C'est sublime. La chutney, outre la touche de sucre qui sied au foie gras, apporte également des arômes d'iode et d'agrumes.

Lors de la prise de commande, en proie aux affres du choix, une idée lumineuse jaillit dans mon esprit. M'adressant alors à Nicolas Rebut, je lui demande quel champagne serait à même d'accompagner les deux entrées iodées. L'hésitation du professionnel est de courte durée. Il nous propose le Selosse Brut 1998 (blanc de blancs). La robe du vin est dorée, le nez est fin, oscillant entre pomme cuite et poire et calva. En bouche, le caractère légèrement oxydatif est tempéré par une belle vivacité et une grande longueur.



Filets de sole en écailles de cèpes, fricassée d'artichauts aux feuilles vertes acidulées.
Au plaisir des yeux succède un plaisir au palais constitué de deux filets superposés, recouverts de fines tranches de cèpes. La chair du poisson est épaisse et ferme sous la dent. La cuisson a préservé sa tenue et ses saveurs "sauvages", tempérées par le moelleux du cèpe. Après la sophistication de la préparation du foie gras, c'est une sorte d'épure à la japonaise que nous prenons plaisir à déguster sans fin/faim.

Avec un tel plat, on chercherait un cavalier civilisé, un vin gentleman. De cet exercice, le Château Laville Haut-Brion 1990 s'en est tiré avec les honneurs. Une robe or clair, un nez encore peu évolué mais très complexe, avec des notes de cèdre, morille, fauve, truffe blanche, cédrat et fleur blanche (camomille ?). En bouche, c'est un vin racé, élégant de finesse, un gentleman. Heureux possesseurs de cette bouteille, ne vous précipitez cependant pas pour en profiter car elle vous donnera encore beaucoup de plaisir dans les années à venir.




Noix de ris de veau en écailles de châtaignes fraiches, Fregola Sarda à la truffe blanche d'Alba.
Automne oblige, les saveurs de sous-bois sont à l'honneur. Mais si la carte du Meurice fait la part belle aux gibiers (canard, perdreau, grouse ou lièvre), c'est le vin qui nous fait choisir ce plat en particulier. Le ris est traditionnellement blanchi puis la cuisson se termine sous la salamandre avec les écailles de châtaignes délicatement taillées à la mandoline. Le premier contact avec le plat est donc contrasté entre le croquant des écailles et le moelleux du ris. C'est ensuite une alliance de saveurs fortes/puissantes : châtaigne, ris et truffe blanche juste râpée à la sortie de la "boite magique". Pour lier le tout, la fregola, cuite comme un risotto, apporte un enrobage d'onctuosité.

Quel est donc ce vin qui nous décidât à choisir ce plat ? Il s'agit du Château Mission Haut-Brion 1967. A l'inverse du Laville, ce vin a atteint son apogée et entame son déclin. Le nez est splendide. Il exhale du tabac blond, du cèdre, de l'immortelle séchée et du sous-bois, trompette et truffe noire. La bouche est plutôt courte mais encore plaisante, dans laquelle on retrouve le coté fumé de Pessac.
La relative simplicité du plat permet de ne pas écraser le vin qui retrouve du fruit, pour un mariage empreint de sérénité.
(Toutes mes excuses quant à la qualité du cliché, l'étiquette étant passablement passée, l'appareil n'a pas réussi à faire correctement le point ...)

Impasse faite sur le fromage, nous passons aux dessert. Ma Comtesse, espiègle comme toujours, donne carte blanche à Camille (Lesecq). Pour un mystère, ce sont des Mystères de poires... en quatre services.












A gauche, Poire rôtie, glace vanille, croustillant à la noix, parsemée de fève tonka râpée. A droite, Chiboust de poire, Crème de poire, Poire Belle-Hélène revisitée (poire, glace vanille, feuilleté chocolat et sauce chocolat).

Je choisis les Calissons de mangue à l'amande douce, boule glacée. La seule vue de l'assiette me met en joie. La mangue est ferme et mure à la fois et la meringue qui la surmonte est fondante et parfumée à l'amande. Dans la boule de meringue, une glace à l'amande douce. Tout le plaisir du calisson avec plus de légèreté et moins de sucre.

Pour terminer (s'il en était besoin) en apothéose, Nicolas Rebut me propose de gouter une de ses dernières acquisitions : une Chartreuse Tarragone jaune 1972. Le nez est fin et complexe, très chartreuse, épines de sapin, cire d'abeille. En bouche, il se dégage une impression de plénitude et une très grande longueur avec une persistance aromatique très complexe (macis, ...).

En espérant qu'il nous lisent, nous adressons nos remerciements chaleureux à toute l'équipe du restaurant, à Nicolas et Estelle, et aux magiciens créateurs, Yannick Alléno et Camille Lesecq, pour ce moment de bonheur.


François

jeudi 5 novembre 2009

Tuber magnatum


Sous ce titre mystérieux, les latinistes (distingués comme il se doit) auront reconnu le nom de la truffe blanche d'Alba.

Ce jeudi, le 228 était le cadre d’un apéritif œnologique autour de ce champignon d’exception, sous la forme de bouchées conçues par Yannick Alléno pour accompagner les vins sélectionnés par Nicolas Rebut.

Nous entamons donc cette dégustation très aromatique par un couple explosif : Burg 1998 de Marcel Deiss / Linguine crémé, Saint-Jacques poêlée, râpé de truffe blanche. Le vin a un nez expressif très fruité (abricot, coing, raisin sec, orange confite) qui me fait penser à un liquoreux (qu’il n’est pas). En bouche, une petite pointe de gaz, de la rondeur et de la vivacité en finale. Tous les éléments sont là et bien en place pour un résultat très digeste.
La Saint-Jacques est un modèle de fraicheur, encore quasi-crue au centre. Son moelleux répond à la mâche du linguine, le tout étant dominé par les parfums de la truffe. C’est une bouchée impériale de gout et de simplicité. A son contact, le vin prend de la droiture et un caractère plus sucré. Avec l’aération, on devine au nez une fine note fumée/pétrolée.

Pour suivre, Châteauneuf du Pape blanc Vieilles Vignes 2002 du Château de Beaucastel / Vol-au-vent de cuisse de volaille de Bresse et truffe blanche. Le vin est un 100% Roussanne. Il présente un premier nez poudré, vanillé et légèrement cèdre. Le deuxième nez confirme le coté dragée. En bouche, le vin est fluide, vif, avec une finale amère. Une belle longueur sur l’alcool de poire.
Le vol-au-vent est tout simplement divin (et nous n’avons encore rien vu/gouté). Un feuilleté aérien, la quenelle de cuisse de volaille est moelleuse, juste titillée par le « croquant » des champignons de Paris et crêtes de coq. La truffe s’exprime en contrepoint final pour une sensation olfactive qui semble ne pas vouloir s’estomper. C’est d’ailleurs sur la truffe que l’accord est complet car le vin prolonge sa persistance à l’infini.

Changeons de couleur pour un double accord en rouge majeur : Barolo Campè 2001 de La Spinetta / Salade de bœuf Wagyu, vinaigrette aux noix, noix fraiches, râpé de truffe blanche. Le nez du vin est très complexe : framboise / fruits noirs et un coté sous-bois que j’imagine comme du bois mort humide. En bouche, après une attaque vive, les tannins arrivent très vite. C’est une bouche puissante mais élégante avec une belle longueur.
Nous connaissions le wagyu (à peine) cuit, séché mais pas quasi-cru. La bouchée est simplement passée sous la salamandre pour la tiédir avant d’être noyée sous les lamelles de truffe. Le bœuf est fondant et seulement rehaussé par les brisures de noix, la truffe renforçant le viandé de la bouchée. De quoi vont accoucher ces deux poids lourds de gout ? D’une petite merveille de soyeux et de persistance aromatique, le vin s’assagissant au contact de la viande.

L’apothéose…
Ruster Eiswein 2003 de Bruno Landauer / Fuseau croustillant au pralin citronné, râpé de truffe blanche. Vous n’ignorez rien, fidèles lecteurs, de l’admiration sans bornes que je voue à Camille Lesecq. Sont-ce les gènes de mon grand-père pâtissier qui s’expriment ainsi ? Je l’ignore. En revanche, je sais que ses créations, des plus basiques aux plus originales sont absolument divines. Je commencerais donc par parler de ce dessert qui associe praliné, citron et truffe. Le fuseau est craquant et léger, à l’image d’une crêpe dentelle au chocolat. Il renferme une crème tout aussi légère, mousseuse, au praliné. Le citron arrive comme une surprise à mi-chemin de la dégustation du fuseau pour rafraichir la bouche et inviter à continuer jusqu’au bout. Quant à la truffe blanche, improbable invitée, elle s’accorde contre toute attente au praliné sans le dominer.
Et le vin me direz-vous ? Il présente un nez très expressif, botrytisé, de confiture de pèche et de fleur blanche (camomille ?). Une petite pointe de gaz à l’attaque. Une bouche qui s’ouvre donc sur la fraicheur et s’épanouit sur de la rondeur tendue. De très beaux arômes : orange confite, abricot. Très long. Une petite douceur que l’on dégusterait volontiers pour elle-même mais ce n’est pas l’exercice du moment. En présence du dessert, il s’adoucit, devenant plus fin et plus onctueux à la fois.

Depuis que nous fréquentons le 228 pour ces apéritifs œnologiques, je ne crois pas que nous ayons rencontré accords plus savoureux que ceux-ci. Accords certes précieux mais d’autant plus rares.







Ne pouvant prolonger la soirée plus que de mesure, nous nous contentons d’un plat au Dali en guise de diner : ma Comtesse opte pour le traditionnel Saucisse-lentilles, vision peut-être incongrue pour un palace mais fort ludique de la nouvelle carte du Dali qui (pour le plus grand plaisir de certains) abandonne son concept « Sans-100% ». Pour ma part, toujours le même mot d’ordre : le produit de saison. Ce sera donc une Carbonara de tagliatelles aux cèpes.

Très bientôt, nous vous relaterons notre visite à venir au restaurant gastronomique dont la carte d’automne est particulièrement attrayante.

François