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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

vendredi 16 septembre 2011

Apicius


J'adore ma Comtesse.
J'adore la voir se démener pour préparer tous les ans une surprise pour mon anniversaire.
Au lieu de garder le silence sur ses intentions, elle ne peut s’empêcher de me faire part de ses difficultés pour effectuer la réservation du plan A et de ses interrogations concernant le plan B.
Chaque fois, je redoute qu'elle ne laisse involontairement échapper un indice qui lèverait le voile sur la surprise en question comme le message du Grand Véfour laissé sur le répondeur...
Cette fois, le jour dit, j'ignore tout de notre destination sauf qu'elle se trouve dans Paris, en l'occurence dans le 8ème arrondissement. Avenue de Friedland, j'engage notre véhicule dans la rue Lamennais. Je me dis que nous sommes arrivés mais elle me dit de continuer. Rue de Washington, puis rue d'Artois. Ça y est, la surprise est dévoilée, nous pénétrons dans le jardin d'Apicius.

Le lieu est assez exceptionnel. Un grand hôtel particulier avec un jardin ornemental qui fait office de parking pour les voitures, grandes ou petites, des clients. Au centre trône "Eros Bendato", sculpture monumentale en bronze d'Igor Mitoraj.

Nous prenons un verre de champagne Grand Siècle de Laurent-Perrier (dégorgement début 2008) sur la terrasse afin de profiter de la magnifique fin de journée. Comme d'habitude, nous prenons beaucoup (trop ?) de temps pour examiner les menus et carte des vins. Devant notre (habituelle) indécision, le maitre d’hôtel nous invite à prendre le grand menu dégustation. Soit !

L'amuse-bouche est un Cannelloni aux champignons, émulsion de champignons. Une excellente entrée en matière. La pâte est farcie d'un hachis/purée/mousse de champignons de saison. Le filet d'huile d'olive qui le recouvre est également excellent.

Première entrée : Charlotte de pommes de terre de Noirmoutier au caviar osciètre. Sous son aspect d'apparence simpliste (purée et œufs de poisson), cette entrée est remarquable d'équilibre entre la pomme de terre au beurre salé, la saveur terreuse du caviar et la crème aigrelette qui "allège le tout". Les branches de ciboulette sont comparables au gingembre servi avec les sushis pour rafraichir le palais entre les bouchées.

Seconde entrée : Trilogie de langoustines bretonnes. Celle de gauche est rôtie et cependant quasi crue, la tête recouverte d'un beurre coraillé à l'estragon. La chair moelleuse est exquise. Au milieu, un tartare tiède au beurre aillé, ,très gouteux. A droite, deux langoustines et un pois gourmand en tempura, tout en croustillant et moelleux. C'est une très belle entrée.

Le premier plat me ravi car, l'ayant remarqué dans la carte, il m'avait interpellé. Les Filets de rougets mijotés "minute" dans l'eau de mer, huitres et cresson curry sont une pure merveille. D'une cuisson parfaite, les filets ont indéniablement le gout de l'eau de mer avec toutefois un salé fort adouci. Entre les deux, un tartare d'huitre et de cresson parfumé au curry. le poisson a de la mâche et la sauce curry fait le lien avec les trois éléments du plat. Sans fioritures ni apprêts inutiles, c'est un très grand plat.

Pour accompagner le début de notre repas, le sommelier nous conseille un Vin de Pays de l'Aude, Le Pied des Nymphettes 2010 du Domaine Les Mille Vignes. Pour couper court aux tergiversations, il nous fait déguster en même temps. Un nez de sauvignon, "mais pas que". La bouche est très vive mais en retenue, riche, onctueuse et harmonieuse. C'est un bel équilibre, tout est en place. Le vin est droit, net mais élégant. Encore très jeune, il a un beau potentiel et accompagne honorablement les entrées et les rougets.


Le second plat est un Ris de veau rôti, compotée de champignons aux épices douces. Croustillant à l'extérieur, moelleux à l'intérieur... Encore l'exemple d'un plat d'une grande simplicité et d'une exécution remarquable. Il est accompagné d'une poêlée de champignons, pleurotes, cèpes, girolles et trompettes de la mort.

Nous attendant à un plat de viande (rouge), nous avions demandé un verre de vin en adéquation. Après l'intense discussion que nous avions eu en début de repas, le sommelier prend l'initiative de nous apporter une demi-bouteille de Pernand-Vergelesses 1er Cru Clos du Village 2009 du Domaine Rapet. Il est encore boisé mais c'est un très beau vin, profond, complexe, avec l'élégante puissance qui convient pour tenir (gentiment) tête au ris. "C'est bon".

Impasse sur les fromages, nous attendons les desserts. Ayant imprudemment glissé que j'aimais beaucoup les soufflés, il n'était pas surprenant que nous en voyions arriver deux versions "personnalisées".

Pour ma Comtesse, le Soufflé au chocolat, chantilly sans sucre.

Pour moi, Soufflé à la figue et sa compotée de figues, sans oublier l'indispensable bougie sur le sorbet figue.
Que dire sinon qu'ils sont tous les deux excellents.

Pour finir sur une note "liquide", nous (je) dégustons une Fine de Chateau-Grillet. Superbe alcool aux notes cireuses et miellées.

Vous l'aurez peut-être compris à la lecture de ce compte-rendu, Apicius est, à mon avis, la plus belle expérience culinaire de cette année dans le registre gastronomique. Les deux étoiles sont amplement méritées, il ne manque qu'une étincelle de folie Alléno-style ou briffaro-créative pour donner la distinction suprême à Jean-Pierre Vigato. Mais est-ce bien nécessaire quand le plaisir gustatif est au rendez-vous ? Pour ma part, peu importe. Le moment fut grand et je ne peux que vous recommander chaudement de vous rendre rue d'Artois.

François

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