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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

vendredi 11 juin 2010

Soir de match au Meurice


La Coupe du Monde de la FIFA (j'avoue ne pas connaitre ce sport...) est de retour. Ma Comtesse et moi n'étant pas spécialement footballophiles (sauf lorsqu'il s'agit de l'AJA), la perspective de passer une soirée animée par les cris de joie (ou de désespoir) de nos voisins ne nous enchante guère. Certes, il y aura plus d'une soirée foot pendant un mois. Mais, pour marquer (du droit) le coup (franc), nous avons décidé de passer la soirée dans une ambiance feutrée, relaxante et exempte de supporters.

Le lieu est tout trouvé. Lors du dernier apéritif œnologique du 228, Nicolas Rebut nous a fait saliver d'envie avec la description de la nouvelle carte du Meurice et notamment de la volaille de Bresse au homard, subtile variation bretonnante d'une spécialité bressano-lyonnaise, déclinée en quatre services.

Par acquis de conscience, nous consultons la carte en dégustant les amuse-bouches : sucette hareng/betterave, Paris-Brest au foie gras et mousse d'asperges. Les entrées sont alléchantes mais ma Comtesse, ultime tentatrice, m'embarque dans un périple inédit : un plat et deux desserts.










Après les grignoteries apéritives, l'amuse-bouche proprement dit : un médaillon de maquereau mariné à la prune et au gingembre, plongé dans une crème de riz. Disons-le tout net, quand Yannick Alléno se lâche, ça donne à peu près ça. Si le maquereau mariné a une résonance gustative japonaise bien connue, la crème de riz est totalement extraterrestre. C'est une crème froide, à l'odeur et au gout de riz prononcé, relevée au piment d'Espelette. Le mélange des deux saveurs est plutôt bluffant, l'un adoucissant la puissance de l'autre et réciproquement.

Parlons donc du plat, la Volaille de Bresse et homard bleu en quatre services, et du premier service : la Gelée aux sucs de cuisson, bas morceaux. Les bas morceaux sont sot-l'y-laisse et croupion du poulet et coudes des pinces du homard. La gelée est un mélange puissant mais très bien équilibré de jus de tête de homard et de sucs de volaille. Une entrée froide en forme d'amuse-bouche un peu canaille, aux saveurs en bouche interminables.


Second service : Carpaccio au jus tranché, toasts melba croustillants. A gauche, le homard est tranché fin, parfumé au jus de yuzu et parsemé de ses œufs noircis à l'encre de seiche et de poudre de corail. A droite, les toasts melba, façon sandwiches extra fins, garnis de farce fine de volaille.
Deux gouts bien marqués s'opposent. La finesse de la chair crue du homard, à peine relevée par l'acidité de l'agrume, et la puissance de la farce de volaille tempérée par la petite quantité (A quand le club ???) et le croustillant du toast. C'est un peu les montagnes russes en bouche mais le plaisir est là.






Troisième service, nous passons aux choses sérieuses (que nous croyons...) : Suprême rôti et cervelas au jus coraillé. Le suprême est poché puis rôti pour rendre la peau croustillante. La volaille de Bresse dans toute sa splendeur, gouteuse et moelleuse à la fois. Quant au homard, la chair est présente dans ces petits cervelas, accompagnés de la sauce au corail, qui s'apprécient en condiment du suprême. Un très bel accord.

A l'énoncé du quatrième service, on imagine une assiette légère, comme un "balai de l'estomac" (formule de mon grand-père paternel pour qui la salade ne se concevait qu'en fin de repas). En réalité, les Cuisse et pince sur une salade César n'ont rien d'anecdotiques. Sur un cœur de sucrine croquant, assaisonné César, la cuisse et la pince cohabitent avec des minis anchois et des croutons au corail. Si ce n'est le point d'orgue, nous tutoyons les sommets. Le croquant de la salade et des croutons égaye le moelleux des chairs, titillées par les saveurs acides des anchois et de la sauce. C'est une assiette fraiche dont on ferait volontiers un repas entier dans chaleur d'un soir d'été.

Du vin peut-être ? Certes ! Les alcooliques (de luxe !) que nous sommes ne sauraient, à table, ignorer le divin breuvage. Sur les conseils avisés de Nicolas Rebut, nous choisissons un Chassagne-Montrachet 1er Cru Clos Saint-Jean 2006 du Domaine Fontaine-Gagnard. Un nez boisé fin, une bouche très élégante, suave, avec une longueur sur les agrumes doux (pamplemousse chinois). Un très beau toucher de bouche qui prendra de la fraicheur avec le carpaccio et de la puissance avec le suprême.




Avant les desserts, les pré-desserts. A gauche, un baba, gelée au rhum et chantilly à la vanille bourbon. A droite, orange, purée de framboises et sorbet shiso/citron vert. Derrière, chou réglisse, sablé breton/pâte de fruit passion/sucre au basilic et biscuit chocolat/cerise amarena/sauce chocolat.

Place au premier service de desserts. Ma Comtesse commence par le Carré moelleux au chocolat tiède, glace à la vanille bourbon. Comme vous pourrez le voir par la suite, c'est LE dessert classique de la carte. Sur un sablé à la fleur de sel, un chocolat Caraïbes recouvert d'une tuile chocolat/caramel, accompagné d'un sorbet vanille et de sauce chocolat. Sans être déçue (comment pourrait-on l'être ?), ma Comtesse regrette un peu cette petite concession de Camille Lesecq au conformisme des touristes qui fréquentent le palace. Qu'importe ! Les plus aventureux pourront se faire chahuter les papilles avec le reste de la carte des desserts (et surtout le dernier...).

Pour ma part, je déguste une Gavotte croustillante à l'amande et au citron, pêche blanche soufflée macérée au jus de framboise. Dans les cylindres de dentelle croustillante, une panacotta aux amandes, surmontée d'un sorbet citron/citron confit. A leur pied des blancs en neige aux amandes et la fameuse pêche blanche. Fameuse elle l'est. Quasi croquante, aromatisée à la framboise, c'est un régal de saveurs acidulées, reprises en chœur par le sorbet citron. Le tout est tempéré par les blancs en neige et la panacotta.

Puissance pour ma Comtesse, fraicheur pour moi... et on inverse le tout pour le second service : Aloe Vera poché et rafraichi au pamplemousse rose, faiselle poivrée et jus à l'huile d'olive. Encore un mélange improbable mais qui fonctionne très bien.

Que dire en revanche du Jubilé de cerises au vin chaud poivré, quenelle glacée au chou rouge aux éclats de meringue? Oui, vous avez bien lu, mes doigts n'ont pas fourché sur le clavier. Entouré par les cerises au vin chaud, un sorbet (2 boules) au chou rouge trône au centre de l'assiette. Voila de quoi déconcerter les touristes à l'exception peut-être de nos voisins germaniques et d'Europe de l'Est. Comment vous décrire ces saveurs? Les cerises sont charnues, le vin chaud nous replonge en hiver au coin du feu de cheminée du chalet, et le sorbet chou rouge... a l'odeur et le gout du chou rouge! Contre toute attente, le sorbet vient adoucir les saveurs acides des cerises et du vin. Nous sommes là en présence de saveurs rustiques, puissantes, qui parlent à nos racines rurales. Si le vin n'était déjà présent dans l'assiette, on y ferait chabrot. Camille, tu nous étonneras toujours.

Avec ces desserts, nos amis sommeliers nous font découvrir quelques vins d'accompagnement. L'aloe vera et les gavottes appelant la fraicheur, nous dégustons un Moscato d’Asti “San Grod” 2009 de la maison Torelli. Des bulles fines, un nez expressif, fin et élégant de raisin frais, une bouche rafraichissante, que demander de plus?




Pour les cerises au chou au contraire, il faut du lourd. Mais c'est un gentleman en armure que ce Porto Ramos Pinto Vintage 1997. Il s'exprime avec beaucoup de retenue malgré ses degrés. Une belle longueur en écho aux cerises et au vin.





En conclusion, soirée nulle pour nos footballeurs, carton plein pour nous.

François

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