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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

mercredi 10 décembre 2008

Retour au GV

Il est des lieux qui, une fois visités, donnent envie d'y retourner. Et malgré la quête infinie de la découverte qui nous anime, il est bon parfois d'être nostalgique et de revivre les moments agréables passés.

C'est pourquoi nous sommes retournés au GV.

"Encore ?!" vous dites-vous. Oui et non...

Nous sommes plus précisément retournés au Cinq, là où fut scellé notre projet de mariage et où nous rencontrâmes Eric Beaumard pour la première fois. Lecteurs assidus de ce blog, vous n'ignorez rien du départ de Philippe Legendre et de son remplacement par Eric Briffard aux commandes des pianos de ce haut lieu gastronomique.

C'est donc avec nostalgie et hâte de faire connaissance avec la cuisine de ce dernier que nous nous sommes rendus avenue George V à l'heure du déjeuner.

En guise d'apéritif, nous partageons deux verres de champagne : Comtes de Champagne 1998 de Taittinger et Noble Cuvée rosé de Lanson. Le premier est très vif et accompagne gentiment des accras de calamar et gambas. Le second est un panier de fruits rouges, un peu trop frais cependant.

La carte est en trois parties : un menu du marché, un menu de saison et la carte proprement dite. Dans cette dernière, nous choisissons trois plats "signature" d'Eric Briffard. Pour les accompagner, deux vins au verre, un blanc et un rouge, pour les (demi-)entrées et une bouteille de vin rouge pour le plats principal.

Une mise en bouche multiple nous est servie (de gauche à droite) : brioche à la mousse de foie gras (moelleuse), poêlée de champignons, figue et noix fraiche (tout en croquant), velouté de potiron et mousse d'oseille (étonnant mélange sucre/acide tout en douceur).

Première entrée, les Ormeaux de pleine mer Bretons, servis sur une purée de kabocha (potimarron japonais, à droite) et sous une meunière de cresson (à gauche). A coté, un tartare d'ormeaux et coques et un bouillon de poule... et ormeaux. Contrairement à sa réputation, l'ormeau est très moelleux (comment font-ils ???) et sa chair fine mérite un accompagnement doux, comme la purée de potiron. Le tartare est un peu plus vif, plus iodé. Quant au bouillon de poule, légèrement parfumé à la citronnelle, il est tout simplement divin, l'ormeau et les petits cube de kabocha servant quasiment de prétexte à sa présence.
Un verre de Sancerre 2007 du Domaine Vacheron est servi avec cette entrée. C'est un vin très pur, tendu et élégant, au nez de sauvignon "noble", c'est-à-dire bourgeon de cassis, voire floral, sans le coté puissant et parfois dérangeant du buis. Il est surtout très à son aise avec le tartare d'ormeaux où la fraicheur de l'un entraine l'iode de l'autre.

La seconde entrée arrive en cocotte : le Homard Bleu "Pêche au casier" cuit sur sel aux aromates (algues, romarin, citron...).La queue est servie avec une sauce civet aux girolles. A coté de l'assiette, la pince est accompagnée de champignons et d'un rouleau de chou au gingembre. On touche au sublime...
L'accord entre la chair du homard et la sauce civet est magistral et le Savigny les Beaune 1er cru les Marconnets 2006 du Domaine de la Vougeraie lui apporte le soupçon d'élévation à même de le transcender.
Du rouge avec le homard ? J'imagine les puristes crier au scandale... Taisez-vous donc, Messieurs les frileux !! Car c'est la sauce qui joue les entremetteuses pour permettre cet accord de grande classe. Le vin a un très beau nez de pinot noir beurré, un peu réservé. L'attaque est franche, la bouche est puissante avec de l'amertume en finale, des tannins présents et élégants et une belle longueur. Avec le homard, elle prend une structure tout en longueur, une longue trame où se croisent acidité et tannins, et une finale très fraiche. Nous sommes déjà aux portes du Nirvana, que nous réserve la suite ?









Une fois encore, le personnel de salle est mis à contribution pour mettre en scène le Pithiviers de perdreau gris, canard colvert et grouse au miel de châtaignier. Les bêtes à plumes arrivent dans leur croute feuilletée dorée. Les parts sont coupées et posées dans l’assiette où attendent quelques fruits d’automne (châtaigne, coing, poire, raisin, potiron et une superbe figue), puis arrosées d’un jus pressé à l’Armagnac. Le Styx est franchi, voilà les Champs-Elysées.
Une fois encore, nous nous interrogeons : la pâte est bien dorée, le fois gras fondant (et pas fondu), le perdreau rosé… comment réussir une telle cuisson ?? Qu’importe les cuissons !! Nous nous délectons de ce met de saison où se mêlent les saveurs sauvages et fines des volatiles, le fondant puissant du foie gras, le piquant de la poire au vinaigre et du raisin à l’eau-de-vie et le sucre de la figue rôtie.

A quelque chose malheur est bon, dit-on. Nous le vérifions céans. La bouteille que nous avions choisie, sur les excellents conseils de notre sommelier, nous est refusée par ce dernier car elle ne présente pas le gage d’un accord parfait avec notre plat. En professionnel avisé et consciencieux, il nous oriente vers le Rioja Pagos Viejos 2002 de la Bodega Atardi. Ce vin, à base de tempranillo, présente un nez qui m’évoque le grenache et le porto. En bouche, une forte acidité contient des tannins présents. L’accord avec le plat vise à apporter à ce dernier un supplément de fraicheur et de légèreté bienvenues.

Hélas, le vin ne suffira pas à ménager un supplément d’espace stomacal pour accueillir un dessert... Partie remise ! Nous nous contentons d’un café pour ma Comtesse et d’un thé rouge fumé pour moi.

Nous ne sommes pas les seuls à apprécier le pithiviers. De nombreuses tables nous imitent, à l’image de notre voisine où cinq messieurs festoient. « Des furieux ! » me glisse malicieusement Eric Beaumard. En effet, carafes et bouteilles défilent, dont le liquide ambré de l’une d’entre elles retient mon attention. Gentiment, comme à son habitude, Eric nous fait découvrir un Passito « Malvasia delle Lipari » 2006 de l’Azienda Agrobiologica d’Amico.
Au nez, une petite pointe oxydative trahit son élevage en petits futs non ouillés. La bouche est riche de cire et de raisin secs mais reste assez aérienne, à l’image de son pays d’origine (les Iles Eoliennes).

Le soir tombe doucement (déjà ?!) sur Paris quand nous quittons ce lieu de perdition en nous promettant de revenir pour une autre saison.

François

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