Oui, fidèles lecteurs, je sens bien votre stupéfaction à la lecture du titre de ce compte-rendu. "Comment ?? 60 ans ??". Eh oui, tout arrive...
Ah, ce sont les 17 ans qui vous choquent ?! Vous méritez bien une explication.
Cette année, Ma Comtesse me fait la surprise de m'inviter -17 ans après- à L'Astrance, pas rue Beethoven, mais rue de Longchamp. Oui, nous avons la fidélité très élastique. Mais même après tout ce temps, l'expérience est toujours aussi plaisante. Jugez plutôt...
Pascal Barbot et Christophe Rohat sont toujours là, seul le lieu a changé. L'ambiance est à la convivialité et nous sommes accueillis de façon fort sympathique.
Nous commençons bien entendu par un apéritif : Champagne Brut Rosé d'Alfred Gratien pour ma Comtesse...
...et Champagne Origin'elle de Françoise Bedel pour moi.
Notre menu de saison commence avec quelques coquillages crus et cuisinés. Un bulot, mayonnaise aux algues, à la cuisson parfaite. Une huitre, oseille et rhubarbe qui forment une bouchée pleine de peps et de fraicheur. Une amande de mer, vinaigrette aux agrumes et piment, d'un extraordinaire équilibre de gout.La tartine tostée à la confiture de crevettes qui les accompagne est un fabuleux concentré de saveur.
Notre accord mets-vins débute avec le Pouilly-Fumé "Terres Blanches" 2023 du Domaine du Bouchot. Très légèrement variétal au nez, il présente une belle acidité en bouche. L'accord avec les coquillages est parfait.
Une pure tuerie ! Le riz est doux, léger comme un nuage, bien relevé par la bisque. Une entrée d'une grande suavité.
Le second vin est un alien : le Pinot Gris "Château-Bordin" du Domaine Lucas-Salmon. Un vin issu d'un cépage traditionnellement alsacien, cultivé en Pays Nantais, et d'une macération de 28 jours qui lui donne cette couleur rose-orangée. Le nez est légèrement oxydatif. La bouche est celle d'un vin rouge léger.
Un rouget de belle taille parfaitement cuit, encore nacré. Le beurre blanc est très suave. Il est accompagné par quelques légumes en tsukemono (pickles japonais). Un plat tout en douceur.
Nous restons dans l'Ouest, en Vendée, avec le Vin de France "Le Haut des Clous" du Domaine Saint Nicolas. Un Chenin à l'acidité maîtrisée qui prend des notes miellées avec le rouget. Bel accord.
Un cochon à la fois moelleux et très gouteux. Les cocos sont tendres et le jus safrané très enveloppant. Un plat d'une fausse simplicité très réussi.
Inutile de sortir les chevaux avec ce plat. Nous sommes (encore) dans la suavité avec le Fleurie "Clos de la Grand'Cour" 2020 du Domaine de la Grand'Cour. Le nez est plaisant, la bouche fleurie (!), élégante et aromatique. Un accord tout en plaisir.
Ce menu ne serait pas complet s'il n'incluait pas une bouteille d'exception. En effet, Ma Comtesse prend Lucas Hubert, le chef-sommelier, à part pour lui soumettre un choix dont, bien entendu, j'ignore tout. Aucun problème, le Chef adaptera le menu et la bouteille m'est servie, bien entendu, à l'aveugle. Immédiatement, l'effet Madeleine de Proust m'envahit. Je connais ce vin et je me poserai beaucoup de questions pour le découvrir. Le robe tirant sur l'ambre me fait tout de suite penser à un vin évolué. La bouche est complexe, ample et très élégante avec une aromatique qui m'évoque le viognier. Excellent ! Je me lance sur Condrieu. Pas mal mais il me reste 172 kilomètres à faire. Et puis l'épiphanie. Avec le réchauffage dans le verre, la Roussanne se dévoile en finale. Je n'ai plus de doute, il s'agit du Châteauneuf-du-Pape blanc Vieilles Vignes 2012 du Château de Beaucastel. Je remercie évidemment chaleureusement ma Comtesse pour cette petite folie.
En déclinaison, confite mais encore croquante et en sorbet. Le remarquable de ce pré-dessert, c'est l'équilibre parfait entre acidité et sucre, de quoi se refaire le palais et préparer au dessert.
Là encore, nous avons affaire à un numéro d'équilibriste entre sucre et acidité pour un résultat tout en fraicheur vibrante et légèreté. Quel brio !
Le dernier accord est cette fois avec une bière (belge), la Gueuze de la Brasserie Cantillon. Ma Comtesse ne raffole pas de ce gout que j'appelle "sur" et qui se rapproche de l'acide mais pas tout à fait. Personnellement, j'adore. Elle a une légère note fromagère qui fait le lien avec le vacherin.
Nous terminons ce repas divin avec quelques douceurs... et une bouteille hors du commun mais de circonstance.
L'Armagnac 1965 de la maison Dartigalongue est grand à tous points de vue : douceur, longueur et complexité. Comme quoi, ce millésime honni par les vignerons a néanmoins accouché de très beaux alcools (à l'image du Rémy Martin 1965 dégusté pour mes 45 ans).
Outre qu'il eût lieu le jour de mon passage à la dizaine supérieure, ce déjeuner restera très longtemps gravé dans ma mémoire. Loin de la cuisine démonstrative, voire cérébrale de certains, Pascal Barbot apporte la preuve qu'il est possible de faire passer des émotions en respectant les produits et en recherchant l'équilibre des gouts. Faire simple n'est pas aisé mais ce chef éminemment sympathique est assurément un maître en la matière. Quand le guide du pneu se décidera-t-il à lui rendre son troisième macaron ???
Merci Monsieur Barbot.
François

















