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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

mardi 12 octobre 2010

La Suède au Park Hyatt-Vendôme


Pour la seconde année, Jean-François Rouquette, Chef Exécutif du Park Hyatt Paris-Vendôme, a invité cinq chefs européens à participer à la nouvelle édition des Park Hyatt Masters of Food & Wine (Masters Gastronomiques), organisés du 11 au 16 octobre 2010.

Grève dans les transports oblige, nous nous retrouvons en avance au bar de l'hôtel. Manhattan pour moi, Park Flower pour ma Comtesse. Ce dernier breuvage mérite une explication. Il est composé de vodka, aloé vera, framboises fraiches, jus de litchi, pétales de roses, liqueur Chambord et champagne. Un cocktail trèèès féminin à l'accord "classique" rose/litchi (cf. l'Ispahan de Pierre Hermé), que l'aloé vera rend à la fois plus gourmand et plus frais. Ca se boit comme du petit lait (dixit ma Comtesse).

Nous passons au restaurant. La cuisine étant ouverte sur la salle, nous apercevons les chefs d'un soir : Ola Rudin et Sebastian Persson du restaurant Trio à Malmö (Suède). C'est donc un menu nordique auquel nos papilles vont être confrontées.

Linda Violago, la sommelière du Trio, nous accueille en nous servant un verre de champagne Extra Brut Réserve de la maison Bérèche. Un nez fin de noisette fraiche, une bouche de pomme à cidre, briochée avec une acidité saline et une belle amertume en finale qui m'évoque une verdure légère (angélique/fenouil). Ma Comtesse adore! Le fait est qu'elle apprécie tellement peu l'amertume que cela mérite d'être signalé.

L'amuse-bouche est une Brioche au beurre de romarin et citron. C'est un petit miracle, comme on en rencontre parfois, une merveille d'équilibre entre onctuosité et acidité. A son contact, le champagne exhale un joli jus de citron.

Oeufs de truite, yaourts, chapelure et feuilles de carottes. Cette première entrée est un jeu de textures. Le yaourt à la carotte est onctueux et légèrement sucré, les oeufs de truite explosent, les trois variétés de carottes crues croquent et la chapelure croustille. On passe ainsi du plus moelleux au plus croquant sur des saveurs (sucré et salé) non pas neutres mais très fines. L'accord terre/mer fonctionne bien.


Pour la seconde entrée, second vin : Anjou blanc 2007 de Didier Chaffardon. Précisons tout d'abord que la politique de Linda est de privilégier les vins natures. Celui-là ne déroge pas à la règle. La robe est légèrement trouble (pas de filtration). Le premier nez est clairement réduit et laisse (étrangement) penser à un sauvignon. Après une aération discrète mais vigoureuse, le nez se dévoile enfin. Malheureusement, la phase propice est fugace et laisse place à une oxydation rapide (pommme cuite). Ce n'est clairement pas notre tasse de thé.


Dommage pour l'accord car la seconde entrée est superbe : Betteraves, émulsion d'huitres, algues islandaises, oseille et sureau. La betterave cuite est tiède, sucrée, pas du tout terreuse, l'émulsion d'huitre, parsemée de poudre de betterave, a la texture d'une mayonnaise et les baies de sureau sont à l'aigre-doux. Pris séparément, les éléments n'ont rien de transcendant mais une fois rassemblés, ça marche! Du croquant (la betterave crue), du plus ou moins moelleux (betterave cuite, émulsion), du sucré (betterave, sureau) et du salé (algues), le tout dans un joyeux manège où aucun élément ne l'emporte sur les autres. C'est remarquable.

Cabillaud, truffes de l'île de Gotland, oignons marinés. Une bien jolie assiette dans laquelle le poisson est surmonté d'une mousse/poudre d'amande, beurre et champignons. Un bouillon de champignons et oignons vient compléter l'ensemble. Mais, me direz-vous, où sont les truffes?? Elles sont là mais ce ne sont pas les tuber melanosporum que vous attendiez (et nous aussi). Ce sont les petits champignons qui agrémentent le plat. Le cabillaud (de compèt') est cuit sous vide à basse température ce qui lui confère une texture de presque poisson cru (ou de poisson presque cru). L'oignon cru et l'oignon mariné (encore de l'aigre-doux) relèvent le poisson tout en douceur comme pour éviter de le réveiller de sa quasi non-cuisson. C'est léger, digeste, du terre-mer aérien. On aime!


Linda propose un accord très osé (sur le papier) avec le Morgon 2009 de Marcel Lapierre. Oui, vous avez bien lu, du rouge avec du cabillaud. Nul n'est prophète en son pays et les suédois nous le rappellent ici. Le vin a un très beau nez de fruits rouges fins (cassis). En bouche, la suavité du fruit du gamay beaujolais est boostée par la jeunesse des tannins. L'ensemble reste cependant suffisamment fin pour ne pas écraser le cabillaud et s'accoquiner avec les notes de champignons du plat.



Agneau suédois, chou-fleur, baies de genièvre, cendre de poireaux fumés. Une fois encore, le duo de chefs nordiques nous éclaboussent de leur talent avec un plat que nous ne sommes pas près d'oublier. La tranche de gigot, cuite aussi à basse température, est servie avec une purée de chou-fleur subtilement parfumée au genièvre et des "flocons" de chou-fleur cru dont la finesse me fait penser à des copeaux de tête de moine. Parsemée dans l'assiette, la cendre de poireaux est bluffante de gout. Attention, fidèles lecteurs, ma Comtesse va parler : "Ce plat est plus abouti que le filet d'Aubrac de Michel Bras". Ce jugement vous semble peut-être un peu brutal... Analysons les faits. La viande est gouteuse, les accords agneau/cendre et agneau/purée sont parfaits mais c'est avec le chou-fleur cru qu'on touche au sublime tant il est juste.



C'est un Coteaux du Languedoc Langlade 2004 qui nous est servi carafé avec ce plat. Cet assemblage grenache/cinsault/mourvèdre a un très beau nez plaisant et expressif sur l'ylang. Beaucoup de complexité et de mystère. La bouche est puissante, avec une acidité et des tannins mordants, preuve d'une grosse extraction. L'accord avec le plat se fait avec la cendre de poireaux.




Place au dessert : Pommes aroma, sorbet de chèvre frais, oxalis. Le caramel de pomme est adouci par le sorbet, le granité de pomme apporte du croquant et les feuilles d'oxalis une petite note de verdure. Un peu de fraicheur bienvenue en cette fin de repas.

Le dessert est accompagné de Douceur Angevine, un vin de table 100% chenin botrytisé de Jean-François Chéné. Un nez de miel/coing/calvados. Une attaque sur l'alcool. En bouche, la structure est acide avec une finale légèrement oxydative. Un vin à siroter pour lui-même en fin de repas, attitude que nous adoptons volontiers.

Quelques remarques pour conclure :
Le test de la serviette est positif.
Le pain est bon.
Excellent service de la part du personnel du Hyatt en général et du restaurant en particulier.

Au final, nous avons passé une très bonne soirée à nous faire chahuter les papilles. Nous ne pouvons que vous conseiller d'entreprendre le voyage jusqu'à Malmö (35 minutes de train ou 45 minutes en voiture depuis l'aéroport de Copenhague) pour découvrir les talents de cette équipe suédoise. Si la distance vous effraie, sachez qu'il se passera peu de temps avant que nous revenions au Hyatt pour faire connaissance avec la cuisine du chef des lieux. Nous vous en reparlerons.

François

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