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Bienvenue à toi, aventureux surfeur, qui vient s'échouer en quête de sens gustatif. Ici tu trouveras des récits d'agapes, des notes de dégustations bacchiques et des adresses prometteuses compilées avec amour.

jeudi 7 mars 2013

Dorchester Angels : Drôles de Sommelières


Il était une fois trois superbes jeunes femmes qui rêvaient de faire dégustation commune. Mais on les avait cantonnées dans leurs établissements respectifs. Alors la Dorchester Collection les a réunies. Et depuis nous ne le regrettons pas car ce sont vraiment de drôles de sommelières.


A l’occasion de la Journée Internationale de la Femme, Vanessa Cinti (45 Park Lane, Londres), Estelle Touzet (Le Meurice, Paris) et Alessandra Veronesi (Hotel Principe di Savoia, Milan) se sont réunies pour organiser à six mains non pas un apéritif œnologique, comparable aux Nocturnes du 228, mais trois, à Londres, Paris et Milan. Ce marathon de trois jours (consécutifs) permet de proposer aux dégustateurs les mêmes vins mais des bouchées différentes, préparées par le chef de chaque établissement.

A rencontre d'exception, lieu d'exception. Alors que nous nous attendons à être reçus dans un salon, nous sommes conduits jusqu'à un ascenseur qui nous dépose au 7ème étage, dans la Suite Belle Etoile du Meurice.

Si vous pensiez avoir un jour contemplé Paris d'en haut, depuis la Tour Eiffel, la Tour Montparnasse, le Sacré-Coeur ou les hauteurs du Mont Valérien, vous n'avez rien vu...



En effet, cette suite, située au faîte de l’hôtel, domine les toits environnants, offrant depuis sa large terrasse une vue extraordinaire (y'a pas d'autres mots) : sous nos yeux le Louvre et les Tuileries s'étalent jusqu'à la Concorde. La Tour Eiffel en majesté scintille (il est 19h). Le Musée d'Orsay et le Grand Palais commencent à s'illuminer. Derrière nous, le Sacré-Coeur. Un pas de côté et c'est la colonne Vendôme qui s'affiche devant l'Opéra Garnier. Nous n'avons jamais rien vu de pareil et c'est émerveillés que nous prenons le verre de l'amitié en compagnie des trois vedettes su jour.

Nous prenons donc l'apéritif avec le Reuilly La Raie 2011 de Claude et Nathalie Lafond. Un nez de sauvignon presqu'exotique. La bouche est sapide et aromatique (buis et exotique). Bien

Les choses sérieuses commencent avec les vins sélectionnés par Estelle.

Le premier vin est moyennement effervescent, avec un nez vif et sec de pomme granny/grillé. La bouche a des arômes de cidre et une légère note oxydative. Minéralité et acidité mordante. Le caractère Blanc de Blancs est bien là puisqu’il s’agit du BdB Les Vignes de Montgueux de Jacques Lassaigne. Bien

L’accord avec la bouchée Oursin/Crevette grillée/Shiso/Gelée citron-yuzu est quasiment évident et très équilibré : l’acidité du vin est tempérée tandis que l’aromatique du champagne prend le pas sur les notes iodées. Le mélange shiso-oursin fonctionne très bien, renforcé par le champagne.

La robe du second vin est dorée. Un nez « ciré », résiné, encore un peu floral qui prend du fruit à l’aération (framboise). La bouche oscille entre acidité et moelleux, ce qui me laisse à penser à un léger déséquilibre. La finale hydrocarbure me met sur la voie du Riesling. Ce millésime 2004 de la Cuvée Frédéric Emile du Domaine Trimbach donne l’impression qu’il est « entre deux », à la sortie de la jeunesse et pas encore à maturité, comme un ado qui aurait grandi trop vite. Bien -, à regoûter donc.

Une belle bouchée connue pour accompagner ce vin : le Tourteau percuté, huile d’olive comme un beurre blanc et chips d’algue. Divine comme toujours, son côté beurre blanc est renforcé par le vin. L’alliance algue + riesling, qui fait ressortir le côté hydrocarbure, est d’une très grande longueur en bouche.

Place aux vins (rouges) italiens, présentés par Alessandra.

Un nez profond et complexe, qui fait penser à un classique bordelais (?), fruit rouge (airelle) et truffe. La bouche est riche mais acide, un bel équilibre. Finale très aromatique : airelles, tabac, truffe/charbon de bois. C’est très beau et très surprenant car nous n’imaginions pas un vin de ce niveau dans l’appellation : Barbera d’Asti Pomorosso 2000 du domaine Coppo. Bien/Très Bien

Une Noisette d’agneau de lait aux herbes, boudin d’agneau au poivron, apparaît. La viande est fondante. L’association avec le vin donne des notes de tabac blond très plaisantes. Un accord gourmand.

Vin suivant. Un nez frais, fruits rouges (fraise, framboise), floral (immortelle, gardénia) et poudre de riz qui m’évoque un parfum de vieille dame (Sublime de Caron). La bouche est riche et fraîche avec une acidité aromatique (fraise, fraise des bois). Superbe équilibre en bouche avec une finale phénoménale et une longueur interminable. On ne sent absolument pas les 16,5° de cet Amarone della Valpolicella 2000 de Giuseppe Quintarelli. Excellent !

Une autre Noisette mais de chevreuil, plus puissante mais tout aussi fondante que l’agneau. L’accord est magique, les saveurs se prolongeant à l’infini…

Bien qu’étant physiquement à Londres, Vanessa Cinti officie au CUT, restaurant américain du 45 Park Lane. C’est donc tout naturellement qu’elle a sélectionné des vins rouges américains pour notre dégustation.

Le premier vin a un nez qui faisande, part vers l’étable, avec une touche de mûre. Une bouche fraîche et complexe, avec de l’acidité, du gras, des tannins fondus et de l’amertume en finale (bois de réglisse). Un pinot noir dont 25% est élevé dans des fûts neufs français. Un Pinot Noir 2010 sauvage, d’Antica Terra. Bien +

Sur le Foie Gras au vin de Chambertin, datte confite au citron, l’accord est parfait.

Le dernier vin a un nez profond : fumée/tabac, immortelle, guimauve, craie, fruits noirs (mûre, figue)… Une attaque puissante. La bouche est riche avec des tannins présents et une finale sucrée/shamallow. Belle longueur mais un peu d’astringence. C’est un assemblage de Cabernet Sauvignon (en majorité) et de Cabernet Franc 2007 de Viader Vineyard & Winery. Bien +

Le dessert, sobrement intitulé « Mon Chéri », est superbe. Chocolat et cerises forment un accord qui fonctionne toujours très bien. Chaque élément du dessert trouve son complément dans le vin : les tannins et le chocolat (qui fait cependant disparaître le fruit du vin), l’amertume et l’alcool des cerises. Accord extrêmement gourmand…

Pour finir sur une note de douceur, un « simple » Sorbet citron. Admirez le design, on croirait un vrai ! Sous une coque de chocolat « blanc », de la bergamote, de la menthe, du basilic et du citron. Délicieux et rafraîchissant.


Nous terminons la soirée sur la terrasse, sous les étoiles et les feux de la Ville-Lumière…

François

PS : un grand merci à Estelle pour avoir organisé cette soirée exceptionnelle. Merci également à Alessandra et Vanessa pour leur accueil, leur gentillesse et leurs vins.

mardi 5 mars 2013

Ledoyen, on y revient !


Il est des plats, des vins, qui, une fois goûtés, marquent à jamais vos souvenirs et votre palais tels une madeleine de Proust : la soupe d'artichaut de Guy Savoy, le millefeuille de champignon et foie gras de Pascal Barbot, le Saint-Pierre Retour des Indes d'Olivier Roellinger, le gargouillou de Michel Bras...

Souvenez-vous, fidèles lecteurs...
Septembre 2009, ma Comtesse me faisait l'immense plaisir de m'inviter chez Ledoyen. Depuis, le souvenir du toast d'anguille n'a cessé de me hanter. Quatre années plus tard, je prends prétexte de son anniversaire pour lui rendre la pareille et succomber à un désir égoïste...

J'avoue également qu'il n'est rien de mieux pour brouiller les pistes que de retourner par surprise dans un restaurant déjà visité par le passé. Et c'est donc surprise que ma Comtesse découvre l'endroit choisi par mes soins pour l'emmener déjeuner.

De nuit, la salle du Pavillon Ledoyen est un salon confortable, chaleureux, à l'ambiance relaxante. De jour, elle prend l'aspect d'une verrière qui offre aux regards les Champs-Elysées et le Petit Palais.

Nous entamons les agréables hostilités avec deux beaux champagnes, rarement proposés au verre : la Cuvée Louis de Benoit Tarlant (assemblage 1996/97/98) et le Clos des Goisses 2003 de Philipponnat. Ils jouent sur deux registres opposés, la vivacité pour le premier et la complexité pour le second.
Pour les accompagner pendant la (longue !) sélection du menu et du(des) vin(s), nous avons droit à quelques bouchées apéritives :


Pains à la chapelure de truffe et eau de truffe, Câpres frites à l'orange, Bulles eau de gingembre et Campari, Croustillants végétaux, Tuiles au raifort, Tuiles à l'encre et crevette

Chacune est un petit miracle de gout, éveille nos papilles et les met en joie.

Mise en bouche : Purée de céleri et cacao

Oursins de roche au goût Iodé/Végétal

L'entrée de la Comtesse est de toute beauté et le goût -les goûts- ne sont pas en reste. D'un côté (à gauche), la coque (naturelle) renferme, outre des langues d'oursins, un guacamole très doux relevé par une gelée de corail. De l'autre (à droite), une coque en porcelaine sert d'écrin à d'autres langues d'oursins dans un bouillon chaud surmontée d'une écume iodée.
Les saveurs sont franches et bien marquées.






Mon entrée se découvre en avant/après : une fois la mousse de blanc ouverte, le Soufflé d'oeuf fermier truffé laisse couler le jaune sur la sauce truffée. L'écume truffée dissimule un morceau de pain truffé identique à la mouillette qui se cache au second plan du plat. Une fois de plus, l'accord oeuf/truffe fonctionne parfaitement et le blanc soufflé lui apporte une légèreté bienvenue.

Mais quel est donc le vin qui va nous permettre de concilier saveurs iodées, terriennes et marines, soit les différents composants de notre menu ? La cave de Ledoyen regorge de belles bouteilles plutôt raisonnablement tarifées . Mais, anniversaire oblige, l'heure n'est pas à la rigueur budgétaire. Aussi, nous nous faisons plaisir avec Le Châteauneuf-du-Pape blanc Vieilles Vignes 2010 du Château de Beaucastel. Un nez d'abricot/fleur de pêcher. La bouche est magnifique, à la fois cristalline et enveloppante. Une grande pureté et une grande longueur avec un soupçon d'amertume en finale qui fait penser à la verdeur d'une huile d'olive. La Roussanne en majesté...

Saveurs marines disais-je. Mais pas seulement...

Gratin de sole rehaussé de câpres/citron

Ou comment moderniser/transcender un classique de la cuisine française. A la vue d'abord. Les morceaux du poisson (qu'on imagine d'un fort beau gabarit) sont surmontés d'un assemblage qui passerait inaperçu s'il n'était d'une justesse de goût qui frise le perfectionnisme : croquant du toast à l'encre, acidité du pamplemousse, sel de la câpre et arôme du thym citron. Au centre de l'assiette, les grains de citron caviar et les artichauts poivrade dissimulent des coques. Et que dire de la sauce, entre beurre blanc et fumet de coquillages...

Et notre caprice, me direz-vous ? Fort de ses saveurs puissantes, il occupe la dernière place du menu. Mais peut-être s'agit-il de la première marche du podium...


Le Toast brûlé d'anguille, réduction de jus de raisin
est toujours d'une beauté et d'une sobriété saisissantes. En bouche, le grillé/brûlé du toast, le moelleux de l'anguille et l'amertume de la sauce au vin se mélangent pour composer un accord puissant. Toutes aussi puissantes sont les réactions : on n'aime pas ou on adore. Et nous adorons ! Et comme s'il fallait encore accentuer les saveurs, le cube de pomme de terre renferme une sauce au raifort.


Malgré toutes ses qualités, le Châteauneuf n'est pas de taille à rivaliser avec l'anguille. C'est pourquoi Vincent Javaux, le Chef Sommelier, nous propose un verre de Collioure Quadratur 2008 du Domaine Coume Del Mas. Un nez profond, légèrement animal. Une très belle bouche harmonieuse et homogène. Un très bel assemblage de grenache, mourvèdre et carignan.

Les amateurs de fromages ne seront pas en reste car le chariot, sans être pléthorique, est fort bien pourvu et toute résistance est inutile : Comté, Beaufort, Mimolette, Brie de Meaux, Epoisses, Mont d'Or, Rigotte de Condrieu... N'en jetez plus, l'assiette est pleine !






Quelques pré-desserts, histoire de préparer le palais au sucre ? (De bas en haut) Billes pomme/marjolaine, Ananas rôti/mousse pina colada, Macarons pistache, Mousse passion/sablé breton







Ma Comtesse, toujours aventureuse, choisit un dessert au nom mystérieux : Glaces aux trois parfums : Marin, Végétal et Laitier.


La glace marine est à la dulce confite, l'ensemble a une saveur très japonisante. la glace laitière est au... lait! Quant à la glace végétale... une soudaine et mystérieuse perte de mémoire semble nous affecter et nous empêche de vous en dire plus à son sujet.


Le Crumble acidulé en fouetté de chocolat blanc est très plaisant car tout en légèreté et peu sucré.

Nous pensions en avoir terminé mais... surgissent les surprises.


La première, le Croustillant de pamplemousse cuit et cru, aimablement offert par Frédéric Pedrono, le Maître d'Hotel. Sucre croustillant au basilic, sorbet pamplemousse, pamplemousse cru et pamplemousse confit. Rien que du très très bon.

La seconde nous est proposée par Vincent Javaux : un Pineau des Charentes 1995 du Château de Beaulon. Une robe dorée/ambrée. Un nez de vieux cognac et cire d'abeille. Une belle liqueur en bouche qui m'évoque les vieux layons et les vieux cognacs. J'ai du mal à qualifier cet extra-terrestre car il ne ressemble à aucun Pineau que nous avons pu goûter jusqu'alors. Seuls les mots excellent et exceptionnel me viennent à l'esprit.

La fête ne serait pas complète sans la touche bretonne du Chef Le Squer, un Kouign-Aman au feuilleté léger et terriblement addictif...

Aurais-je besoin d'ajouter quelque chose pour vous convaincre de rendre visite à Ledoyen ?


François